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Le deal pour l'emploi en Belgique : zoom sur le droit individuel à la formation et le plan de formation
Un nouveau "deal pour l'emploi" : c'est ce que la Belgique propose dans sa loi du 3 octobre 2022. Ce texte a pour objectif général de soutenir l'emploi et d'adapter la relation au travail aux évolutions récentes du monde professionnel : développement du télétravail, plus grande flexibilité, frontière plus floue séparant la sphère privée et la sphère professionnelle.
Le deal pour l'emploi comprend plusieurs volets : durée du travail, équilibre vie privée - vie professionnelle, mesures d'employabilité, diversité et discrimination, e-commerce, etc.. La formation professionnelle fait partie des domaines les plus impactés. Deux mesures phares touchent ce domaine : la mise en place d'un plan de formation annuel par les entreprises d'au moins 20 travailleurs et l'instauration d'un droit individuel à la formation.
Retrouvez dans cet article un éclairage sur la loi du 3 octobre 2022, ou deal pour l'emploi, désormais entrée en vigueur en Belgique.
Deal pour l'emploi en Belgique : la loi du 3 octobre 2022
La loi du 3 octobre 2022 votée en Belgique porte de grandes ambitions. Ce deal pour l'emploi vise à :
- Moderniser le marché de l'emploi, faire évoluer le cadre de l'activité professionnelle.
- Offrir de nouvelles opportunités tant aux employeurs qu'aux collaborateurs, dans un monde du travail qui a profondément changé ces dernières années (généralisation du télétravail, du travail hybride, augmentation des professions en pénurie, nouvelles attentes formulées par les employés...).
- Favoriser un plus grand épanouissement des travailleurs (salariés et indépendants).
- Soutenir la croissance de l'emploi. Le gouvernement a affiché sa volonté de parvenir à un taux d'emploi de 80% d'ici 2030.
Le texte modifie donc en profondeur plusieurs aspects de la relation au travail et à l'emploi. Parmi les mesures emblématiques : l'instauration de la semaine de 4 jours, le droit à la déconnexion, le droit individuel à la formation et le plan de formation annuel.
Quelle est la date d'entrée en vigueur du deal pour l'emploi ?
L'accord sur les mesures composant le deal pour l'emploi remonte au 15 février 2022. La promulgation de la loi "portant des dispositions diverses relatives au travail" (intitulé officiel) a eu lieu le 3 octobre 2022. Le texte a ensuite été publié le 10 novembre 2022 au Moniteur belge. Enfin, sa date d'entrée en vigueur, autrement dit sa date d'effet, a été fixée au 20 novembre 2022. Un moment charnière pour les services des ressources humaines, qui ont dû s'adapter à de nombreux changements.
Quels sont les changements apportés par le deal pour l'emploi ?
Deal pour l'emploi : la semaine de 4 jours et le régime de travail alterné
L'adaptation des horaires à la demande du travailleur constitue l'une des lignes directrices du texte. La loi du 3 octobre 2022 intègre plusieurs dispositions en matière d'aménagement du temps de travail. D'une part, le salarié a la possibilité d'effectuer une semaine de 4 jours. Deux cas de figure se présentent :
- Si le salarié travaille 38 heures par semaine (ou moins), son temps de travail journalier passera à 9 heures 30 (ou moins). Une modification du règlement du travail est alors nécessaire.
- Si le salarié travaille plus de 38 heures par semaine (sans dépasser 40 heures), son temps de travail journalier pourra s'étendre jusqu'à 10 heures. Cette mesure doit apparaître dans une convention collective de travail.
C'est le salarié qui est à l'initiative de la demande. Si elle n'est pas acceptée, l'employeur doit motiver son refus.
D'autre part, le travailleur peut bénéficier du régime de travail alterné, autrement dit d'horaires variables. Cela consiste à revoir la répartition des heures travaillées sur une plage de 2 semaines. Principes à respecter : travailler 9 heures par jour et 45 heures par semaine maximum ; les heures travaillées en plus sont compensées sur l'autre semaine.
À la clé : une plus grande souplesse d'organisation pour les salariés. Cette flexibilité fait l'objet d'une exigence croissante, les travailleurs cherchant un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Les entreprises peuvent ainsi attendre de telles mesures un renforcement de l'engagement des collaborateurs.
Deal pour l'emploi : le droit à la déconnexion
Autre mesure favorisant une meilleure conciliation vie privé - vie professionnelle : le droit à la déconnexion. Les entreprises du secteur privé comptant au moins 20 travailleurs sont tenues de conclure des accords en ce sens, par le biais d'une convention collective de travail ou du règlement du travail. Cette disposition ouvre le droit aux collaborateurs d'être déconnectés en dehors des heures de travail. Un employeur ne doit donc plus attendre d'un salarié qu'il soit joignable en dehors de son temps d'activité (via des courriels ou des appels téléphoniques). En outre, des actions de formation doivent être menées afin de sensibiliser l'ensemble du personnel sur une utilisation raisonnable des outils numériques (logiciels, outils collaboratifs...).
Deal pour l'emploi : le droit individuel à la formation et le plan de formation annuel
La formation professionnelle se voit également affectée en profondeur par la loi du 3 octobre 2022. Cette dernière introduit un droit à la formation individuel. Jusqu'alors, il existait uniquement un droit à la formation collectif.
Le nombre de jours de formation octroyés dépend de la taille de l'entreprise.
- Entreprise d'au moins 20 salariés : 5 jours de formation minimum par an et par salarié travaillant à temps plein.
- Entreprise employant entre 10 et 19 salariés : 1 jour de formation minimum par an et par salarié travaillant à temps plein.
- Entreprise employant moins de 10 salariés : aucune obligation légale.
Cette mesure prend effet dès le 1er janvier 2024.
Par ailleurs, les entreprises comptant au moins 20 travailleurs ont désormais l'obligation d'établir un plan de formation annuel, listant les actions de formation dont bénéficieront les employés. La date butoir pour l'établissement de ce document est fixée au 31 mars de chaque année.
Voyons plus en détail ces deux mesures visant à soutenir la formation : droit individuel à la formation et plan de formation.
Le droit individuel à la formation : quelles sont ses spécificités ?
Convention collective du travail et compte de formation individuel
Le droit individuel à la formation se concrétise de deux manières possibles :
- Il figure dans une convention collective du travail, établie au sein d'une commission paritaire. Ce texte détaille les modalités pratiques de cette nouvelle obligation. À noter : les partenaires sociaux sont autorisés à revoir le nombre de jours de formation inscrits dans la convention collective, avec toutefois une obligation : ne pas descendre en dessous de 2.
- Il est rattaché à un compte de formation individuel, créé par l'employeur en l'absence de convention collective du travail. Le compte de formation individuel contient un crédit formation, dont le solde est communiqué au moins une fois par an au travailleur. Ce dernier a le droit de consulter son compte de formation à tout moment sur simple demande et, avec accord de l'employeur, d'y apporter des modifications.
Période d'utilisation des jours de formation
Si tous les jours de formation ne sont pas utilisés durant l'année, ils sont automatiquement reportés et s'ajoutent à ceux de l'année suivante. Le décompte s'effectue sur une période de 5 ans. En d'autres termes, à la fin de chaque période de 5 ans, il faut que le travailleur ait "consommé" l'équivalent de 5 jours de formation par an. Au début de la 6e année, le solde du crédit formation passe à 0. Le principe qui sous-tend cette mesure : apporter de la flexibilité pour mieux répondre au besoin du travailleur.
Ces dispositions s'appliquent pour les entreprises comptant au moins 20 travailleurs. Les employeurs occupant entre 10 et 19 salariés bénéficient d'une dérogation. Comme nous l'avons vu, seul 1 jour de formation minimum doit alors être prévu pour chaque salarié à temps plein.
Formations concernées
La loi du 3 octobre 2022 définit également le type de formations concernées. Le texte distingue 3 catégories :
- Les formations formelles, c'est-à-dire "les cours et stages conçus par des formateurs ou des orateurs. Ces formations [...] se déroulent dans un lieu nettement séparé du lieu de travail. [Elles] s'adressent à un groupe d'apprenants [et] peuvent être conçues et gérées par l'entreprise elle-même ou par un organisme extérieur à l'entreprise".
- Les formations informelles, c'est-à-dire "les activités de formation [...] qui sont en relation directe avec le travail. Ces formations sont caractérisées par un haut degré d'auto-organisation [...] en ce qui concerne l'horaire, le lieu et le contenu, un contenu déterminé en fonction des besoins individuels de l'apprenant". Participer à une conférence est par exemple considéré comme une action de formation informelle.
- Les formations en lien avec le bien-être des employés.
Enfin, le texte précise que la formation peut être suivie aussi bien pendant les horaires de travail qu'en dehors du temps d'activité (dans ce dernier cas, le salarié est rémunéré).
Le plan de formation : les éléments clés à connaître
Plan de formation : groupes-cibles et contenu des formations
Le plan de formation désigne en termes juridiques "un document rédigé soit sous forme papier, soit sous forme électronique, listant les formations ainsi que le groupe-cible des travailleurs à qui elles sont destinées". Il s'agit donc de répertorier l'ensemble des formations formelles et informelles retenues puis d'y associer des catégories de salariés ciblés. Le contenu des formations est fixé librement par l'employeur, qui a cependant pour obligation d'en démontrer la pertinence au regard des besoins.
Concernant les groupes-cibles, il convient de noter les spécificités de la loi. Celle-ci précise : "une attention particulière sera portée aux personnes issues des groupes à risque", notamment les plus de 50 ans, ainsi qu'aux travailleurs en situation de handicap et aux personnes étrangères non originaires de l'Union Européenne. Les métiers en pénurie sont également visés dans cette disposition, l'objectif étant de réduire les difficultés des employeurs à trouver des salariés qualifiés pour certains postes n'attirant que peu de candidats.
À savoir : l'entreprise doit également assurer, au travers de ce document, un égal accès de tous aux dispositifs de formation. La loi indique ainsi : "Lors de l'établissement du plan de formation, la dimension de genre doit être prise en compte."
Plan de formation : procédures et délais
La production du plan de formation suit une procédure ainsi qu'un échéancier précis. Sa durée de validité s'établit à un an minimum. Là encore, rappelons que ce document est obligatoire uniquement pour les entreprises occupant 20 salariés ou plus. Précisons également que les commissions paritaires peuvent, via la convention collective, fixer des exigences minimales auxquelles le plan de formation doit répondre.
Première étape : l'employeur soumet un projet de plan de formation au conseil d'entreprise ou, à défaut, à la délégation syndicale.
Deuxième étape : au minimum 15 jours après la communication du projet se tient une réunion pour examiner ce dernier.
Troisième étape : le conseil d'entreprise (ou la délégation syndicale) donne un avis sur le projet au plus tard le 15 mars.
Quatrième et dernière étape : le contenu du plan de formation est finalisé pour le 31 mars. Le document est conservé dans l'entreprise, avec un droit d'accès des salariés sur simple demande.
Lorsque l'entreprise ne dispose ni de conseil d'entreprise ni de délégation syndicale, le plan est soumis directement aux travailleurs le 15 mars au plus tard. Son contenu est ensuite achevé pour le 31 mars.
Cinquième étape : le plan de formation est envoyé au fonctionnaire compétent par voie informatique, un mois après son entrée en vigueur. C'est un arrêté royal qui détermine la date d'entrée en vigueur ainsi que les modalités à respecter pour l'envoi du document.
En synthèse, le plan de formation annuel, associé au droit individuel à la formation, modernise la formation professionnelle au sein des entreprises. L'ambition du législateur : favoriser un véritable engagement de l'employeur dans la montée en compétences de ses salariés.