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3 compétences essentielles à acquérir par les formateurs d'ici 2025
Stéphane Diebold, président de l’Affen, a tenu une conférence au salon SRH E-learning Expo sur la nécessaire évolution des compétences des responsables formation. Après avoir évoqué les bouleversements du monde de la formation professionnelle par la réforme de 2018 et la création d’un nouvel écosystème apprenant, il en mesure l’impact sous l’angle des nécessaires nouvelles compétences du formateur. Rise Up était présent; voici ce que nous avons retenu :
Que vont devenir les boutiques dans les prochaines années, aujourd’hui déjà largement délaissées au profit des achats en ligne ? Deviendront-elles des showroom, des hangars de distribution ? Dans les deux cas, les compétences des personnes qui y travaillent auront changé diamétralement. Le fait est que nous sommes tous, en tant que collaborateurs, amenés à nous transformer, à rajouter plusieurs flèches à notre arc au fur et à mesure des évolutions de ce monde, en particulier celles des nouvelles technologies. Le formateur n’est pas épargné. Il va devoir acquérir de nouvelles compétences pour assurer son employabilité.
Considérons que le temps de créer un catalogue de formation est de deux ans. Et bien, pendant ce temps de conception, tout son contenu peut être remis en cause ! Une formation, déjà, peut être obsolète juste au moment de sa commercialisation. C’est pourquoi le formateur doit être agile, doit faire de la veille et être plein d’imagination : il faut qu’il anticipe les évolutions futures.
Ainsi, la révolution du monde de la formation implique une nouvelle manière d’appréhender le métier, l’apprenant et l’arbitrage des formations.
Les nouvelles compétences des responsables formations d'ici 2025.
Stéphane Diebold en a évoqué trois qui, selon lui, seront essentielles.
1. Le marketing de la formation en ligne
Nous sommes dans le siècle de l'apprenant. Pour notre conférencier, le CEP (le Conseil en évolution professionnelle), sa gratuité, et son individualité en sont une représentation édifiante. En effet, le manque d’engagement apprenant dans les parcours de formation professionnelle a amené les responsables formation à se poser la question de l’expérience apprenant. Et, par extension, de se préoccuper des besoins, attentes et désirs de tout collaborateur en termes d'acquisition et de maintien de ses compétences.
Ainsi, l’engagement apprenant représente un vrai challenge pour les entreprises qui veulent assurer la montée en compétences de leurs salariés. L’engagement apprenant est LA condition du succès des formations non-obligatoires ou de celles engagées à la seule initiative de l'apprenant. La question qui taraude tout responsable formation qui se respecte est la suivante : “Comment donner envie à mes collaborateurs- souvent débordés de travail- de se former ?”.
Mais, pour savoir comment donner envie, il faut comprendre les envies. Ainsi, cette question ouvre la porte à beaucoup d’autres. Quelles sont ses motivations intrinsèques? Comment consomme t-il la formation? Qu’est-ce qui fait qu’il abandonne? Pour comprendre les envies, il faut aussi pencher sur les difficultés, les blocages. En réalité, ce sont les premières barrières à lever.
Puis, et c’est là où le formateur doit dépasser ses fonctions, il s’agit de réenchanter le formation. Concrètement, le formateur doit vendre du rêve. Il ne doit pas seulement bien former, il doit donner envie d’apprendre. Il doit susciter le désir, créer une relation avec l’apprenant d’un nouveau genre et dans la durée, tout au long du processus d’apprentissage.
Pour susciter l’envie d’apprendre en entreprise, il faut proposer autre chose qu’une formation digitale ou physique, il faut lui proposer une expérience. Dans un environnement professionnel qui peut être anxiogène, stressant, l’action de formation peut être une bulle d’oxygène, une parenthèse, un prétexte pour s’évader dans un espace de bienveillance partagée. La formation, ça peut être l’occasion de créer un espace extraordinaire dans le monde violent de l’entreprise.
La formation, y compris la formation e-learning, peut ainsi devenir attrayante. Et après? Il faut savoir la mettre en valeur pour attirer puis, pour ne pas décevoir, se poser la question de la transmission. En neurosciences, l’étude des processus d’apprentissage montre que ce qui importe n’est pas “ce que je dis” mais “comment je le dis”. En d’autres termes, ce n’est pas le message qui compte, mais le messager. C’est le principe de contagion émotionnelle : mettons-y de la couleur, de l’âme et pourquoi pas du coeur !
2. La pédagogie du e-learning
La digitalisation de la formation, on le sait, implique une refonte totale de la pédagogie utilisée dans le présentiel. Et pas seulement parce que la modalité de formation a changé mais parce que notre manière de faire du présentiel, quasi inchangée depuis des décennies n’atteint plus ses objectifs depuis longtemps non plus !
C’est le changement de paradigme qui rend difficile la transition vers le digital learning, bien plus que le changement d’environnement technique, qui par ailleurs, peut susciter des appréhensions. La vraie question est : “Formateur : quelle est votre pédagogie? Qui l’écrit?”.
Il faut une pédagogie du numérique car le numérique, c’est de la pédagogie. En effet, le numérique en formation a ouvert la porte a beaucoup plus de jeux qu’auparavant. Et le jeu est l’essence même de la pédagogie ! Il s’agit donc de donner une direction au numérique au lieu d'être un ouvrier du numérique. Ainsi, être formateur à l’ère digitale requiert d’être un directeur, c’est-à-dire, de prendre une direction.
Cette direction pédagogique est à adapter à la cible apprenante. Aujourd’hui, l’âge moyen de démarrage d’un adulte en entreprise est de 21 ans. “Alors, formateurs, dit Stéphane, si vous voulez être bons et avoir une longueur d’avance, allez voir ce qui se passe sur Tik-tok.”
Pourquoi ? Parce que ses usagers ont entre 18 à 24 ans et parce que Tik Tok ne connaît pas le problème de l'engagement : cette tranche d'âge passe près d’1H30 par jour sur la plateforme. Désormais, à la question “Comment former à distance nos collaborateurs de manière engageante ? “ nous saurons répondre : “ Par des stories apprenantes à l’iconographie courte, en microlearning” Regardons comment ça fonctionne. 3 principes émergent : Capter l’attention. Être impactant, très vite. Érotiser le contenu.
Encore dubitatif ? Retenons deux choses :
Oui, en 20 secondes, on peut dire des choses. On mémorise 5 fois plus d’informations quand elles sont présentées avec une image avec un chiffre. Ainsi, prendre une direction pédagogique implique de répondre à ces questionnements :
- Comment je comprends la veille ?
- Comment je comprends la technologie ?
- Comment je capte l’attention ?
- Comment j’érotise ?
- Et enfin, comment j’impacte ?
Abordons un autre moyen d’engager l’apprenant : en les faisant travailler ! Pourquoi? Car plus je parle et j’explique, moins on fait. Moins on fait, moins on apprend. Adoptons la technique du pied dans la porte. Faisons des learning lab et pas des sessions “paroles d’expert”. On fait, on fait, on fait et après, on en parle !
Dans cette pédagogie, l’animation vient des apprenants, pas du formateur. Il faut redonner la main et redonner de la valeur aux apprenants. Le pédagogue doit être quelqu’un d’agile plus qu’un bon orateur et tirer vers lui ce qui part de l’apprenant.
3. Évaluation de la formation et analyse de la data
La magie de la formation par le digital, c’est sa capacité à conserver toutes les traces de la formation. Ces traces sont une mine d’or, elles permettent de créer un espace de connaissance sur l’activité de formation, de la comprendre, puis de l’améliorer.
Cet espace de connaissance déborde de data, alors encore faut-il savoir l’appréhender (knowledge management). Ce volume de data doit d‘abord être trié :
- “ Qu’est-ce que je garde?”
- “ Le temps de connexion m’intéresse t-il? Si oui, pourquoi?”
- “ Qu'en est-il du taux de complétion?“
- “ Qu’est-ce qui m’informe de la qualité de ma formation?”
- “ Qu’est-ce qui m’informe de la satisfaction des apprenants? De leur insatisfaction?”
- “ Comment je sais que l’apprenant apprend?”
- “Quel algorithme j’utilise pour extraire cette information ?”
Un algorithme n’est jamais neutre. Il faut choisir certains critères et ne pas se résumer à copier ce qui marche.
Quel enseignement tirer de ces nouvelles compétences du formateur d’ici 2025 ? Quelles conséquences pour l’employabilité des formateurs ? Globalement, il faut comprendre qu'il doit aller sur d’autres territoires bien qu’ils soient toujours inconnus, bien qu’ils ne soient pas encore complètement maîtrisés. L’Intelligence Artificielle, à titre d’exemple, est l’un d’eux.