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Pourquoi et comment développer une culture d'entreprise forte
En France, 20 % des salariés déclarent vouloir changer d'entreprise dans les 12 mois à venir. Face à ce constat, l'employeur doit rétablir la confiance avec ces derniers en répondant mieux à leurs attentes. Au cœur de ce défi se trouve la question de la culture d'entreprise. C'est elle qui va "accrocher" le collaborateur, le retenir en faisant naître en lui un sentiment d'appartenance à l'organisation.
Longtemps associée au niveau de rémunération et aux avantages offerts aux employés, la notion de culture d'entreprise recouvre en réalité un périmètre bien plus large. Les valeurs de l'entreprise, sa vision et sa capacité à favoriser l'épanouissement de ses salariés en font pleinement partie. Les recruteurs n'ont plus le choix : pour attirer et retenir les meilleurs talents, il leur faut construire une identité unique, forte, respectueuse des besoins des collaborateurs.
Dès lors, comment créer et développer une bonne culture d'entreprise ? Comment parvenir à revoir en profondeur sa culture organisationnelle, à travailler sur ses valeurs fondamentales, à renouveler sa vision tout en s'appuyant sur l'histoire et le vécu de l'entreprise ? Rise Up vous éclaire sur le sujet et vous guide pas à pas dans l'élaboration d'une culture unique et inspirante.
Culture d'entreprise : définition d'une notion complexe
La culture d'entreprise se réfère à un ensemble de valeurs, de croyances, de pratiques et de normes propres à une entreprise. Elles rendent cette dernière unique, façonnent son identité et lui confèrent une âme. Ses caractéristiques sont, dans l'absolu, partagées par l'ensemble des membres de l'organisation. Lorsque les collaborateurs sont alignés sur la culture de leur entreprise, ils y puisent ce dont ils ont besoin pour s'épanouir : un sens à leur travail et un sentiment d'appartenance.
La culture d'entreprise se construit au fil du temps, se transforme au fur et à mesure de l'accumulation d'expériences et de l'apprentissage collectif. En mouvement constant, elle dépend de nombreux facteurs :
- L'histoire de l'entreprise.
- Ses succès et ses échecs passés.
- La personnalité ainsi que l'influence des fondateurs et des dirigeants, chargés de définir et de diffuser cette culture.
- Les interactions sociales entre les différentes parties prenantes : collaborateurs, clients, fournisseurs, partenaires...
La culture d'entreprise oriente l’action de l’organisation et lui permet de se différencier de ses concurrentes dans sa manière d’aborder le changement, de résoudre les problèmes ou, plus simplement, dans la gestion de l'activité quotidienne. À ce titre, elle s'apparente à une culture organisationnelle. Au-delà, la culture d'entreprise alimente la réflexion collective et la stratégie. Elle donne une "couleur" spécifique au projet d'entreprise, une direction unique.
Pourquoi créer et faire vivre une bonne culture d'entreprise ?
Améliorer la compétitivité de l'organisation
Créer une culture d'entreprise forte, c'est réunir l'ensemble des acteurs autour d'un projet commun, d'une vision. C'est, aussi, mettre en mouvement les équipes, fournir des missions et des objectifs clairs, garantir une bonne cohésion entre collaborateurs, assurer une communication fluide et construire des liens solides entre les différentes strates hiérarchiques.
Ainsi, une culture d'entreprise positive est garante d'une ambiance de travail saine et stimulante, elle booste les équipes en poussant à la prise d'initiative, à la créativité et au développement de l'intelligence collective. Il s'agit en somme d'une culture de l'innovation, tournée vers la compétitivité. Une organisation s'appuyant sur une culture d'entreprise prospère saura mieux qu'une autre contrôler son skill gap (déficit de compétences internes au regard des besoins du marché).
Une expérience collaborateur optimisée, une compétitivité renforcée : une excellente culture d'entreprise a des conséquences directes sur la santé et les résultats de l'organisation.
Optimiser les performances des collaborateurs
Corollaire d'une culture d'entreprise parfaitement ancrée dans le fonctionnement de l'organisation : un épanouissement accru des collaborateurs. Or, celui-ci impacte également les performances, tant individuelles et collectives.
Voyons à ce titre les enseignements de l'O.C. Tanner Institute, spécialisé dans les recherches sur la culture organisationnelle et la reconnaissance des salariés. Son “Global Culture Report” porte sur les expériences de dizaines de milliers d’employés, de leaders, de professionnels RH et de dirigeants d’entreprise à travers le monde. Il en ressort le rôle clé de l'épanouissement dans les résultats de toute organisation.
Les salariés qui se sentent épanouis au travail sont ainsi :
- 84 % moins susceptibles de faire un burnout.
- 30 % moins susceptibles de quitter l’organisation.
- 12 fois plus susceptibles de faire preuve d'un engagement au travail élevé.
- 7 fois plus susceptibles de produire un excellent travail.
En outre, l'organisation a 6 fois plus de chances de retenir les talents.
Répondre à une attente des salariés
Les salariés ont parfaitement compris le rôle joué par la culture d'entreprise dans leur satisfaction au travail. Selon une enquête du site de notation d'entreprise Glassdoor menée en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et aux États-Unis, 77 % des actifs prendraient en compte la culture d'entreprise avant de postuler à une offre d'emploi.
Une étude du cabinet de recrutement Robert Half auprès de la population active française offre elle aussi des résultats éclairants. Parmi les collaborateurs désirant changer d'employeur, 17 % évoquent directement comme motif une culture d'entreprise qui ne répond pas à leurs aspirations. En réalité, la culture d'entreprise apparaît en creux dans presque toutes les raisons invoquées. Un salaire jugé insuffisant, l'ennui dans son poste, un déséquilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, l'impossibilité de faire évoluer sa carrière en interne, le manque d'avantages attractifs : tous ces aspects, largement évoqués par les salariés en quête d'une nouvelle entreprise, constituent bien des composantes de la culture d'entreprise.
Comment construire et développer une culture d'entreprise forte ?
S'engager dans une stratégie holistique
Distribuer des chèques-vacances ou offrir un 13e mois ne suffisent pas à répondre aux besoins fondamentaux des collaborateurs, nous l'avons dit. En réalité, on peut ranger ces besoins dans trois catégories : une rémunération juste, une bonne santé physique et mentale, un sentiment d'appartenance à l'organisation grâce à des valeurs partagées.
Le “Global Culture Report” de l'O.C. Tanner Institute explique qu'une culture d'entreprise prospère repose sur 6 éléments, 6 "Talent Magnets™" ("aimants à talents"). Ces 6 éléments "déterminent les décisions des employés de rejoindre, de s’engager et de rester dans une organisation". Les voici :
- Purpose. La raison d'être de l'organisation, au-delà de ses objectifs commerciaux. Elle correspond aux réponses à ces questions : Qu'est-ce qui anime l'entreprise ? Quel est le moteur de son activité ? Quels sont ses fondements ?
- Opportunity. L'opportunité donnée aux collaborateurs de développer leurs compétences et de grandir au sein de l'organisation.
- Success. La réussite collective et individuelle.
- Appreciation. La reconnaissance et la valorisation des salariés.
- Wellbeing. La préoccupation pour le bien-être des employés, ce qui inclut une implication de l'employeur dans les sphères suivantes : inclusion, équilibre vie privée - vie professionnelle, santé physique, émotionnelle, sociale et financière.
- Leadership. La capacité de l'entreprise à pousser son personnel à se dépasser, ce qui passe par l'accompagnement, un encadrement adéquat et l'aptitude à inspirer les collaborateurs.
En cohérence avec ces Talent Magnets™, il apparaît que les collaborateurs sont plus heureux dans des structures qui valorisent :
- L'intelligence émotionnelle, c'est-à-dire la capacité à reconnaître, exprimer et gérer ses propres émotions et celles d'autrui.
- Le développement des compétences.
- La flexibilité.
- Le bien-être.
- La reconnaissance.
Développer une bonne culture d'entreprise commence donc par explorer toutes les dimensions de l'organisation. Objectif : repérer où l'organisation pèche puis dégager des actions à mener pour recréer une cohérence et une dynamique positive. Une ligne de conduite semble particulièrement porteuse : tendre vers une entreprise plus souple et sécurisante pour ses salariés.
Travailler sur la flexibilité
Une culture d'entreprise attractive place la flexibilité comme priorité. Il s'agit de revoir les règles de fonctionnement, d'octroyer plus de liberté aux managers dans l'organisation du travail de leur équipe. Cette souplesse a pour objectif une meilleure adaptation aux contraintes des collaborateurs et vise en creux à augmenter la productivité.
Les salariés cherchent un équilibre optimal entre vie professionnelle et vie personnelle, garant d'une meilleure santé psychologique. L'idée n'est pas de moins travailler mais de mieux travailler. Comment ? En optimisant la gestion du temps et en ayant les moyens de s'accomplir. Les cadres doivent en conséquence adopter un style de management plus ouvert, plus participatif.
Deux objectifs passent au premier plan pour le manager : favoriser une organisation du travail qui respecte les contraintes des salariés ; développer son intelligence émotionnelle pour mieux accompagner ses collaborateurs dans leur progression et leur épanouissement.
Sécuriser les salariés : développement des compétences et gestion du changement
Une entreprise épanouissante reste au plus proche des attentes de son personnel. Parmi ces attentes, la montée en compétences arrive en tête de liste. 72 % des salariés qui envisagent de changer d’employeur dans les 12 mois affirment qu’avoir des opportunités pour développer leurs compétences sera déterminant dans leur choix.
Cela traduit la prise de conscience du risque d'obsolescence des compétences, dans un monde du travail qui évolue très vite. En 2024 en France, 62 % des collaborateurs disent avoir vécu d’importants changements dans leur travail. Problème : ces changements récents rendent optimistes seulement 48 % d'entre eux. Il y a donc un besoin de sécurisation des parcours, avec un objectif de maintien de l'employabilité. Cela doit conduire l'entreprise à travailler sur deux axes complémentaires : le développement de la formation et l'optimisation de la gestion du changement.
Il convient pour cela de faire vivre une culture de l'apprentissage, autrement dit d'adopter une stratégie d'apprentissage continu. Celle-ci repose sur une offre de parcours de formation personnalisés. Elle impose en outre d'accorder une large autonomie aux salariés quant au choix des compétences à développer mais aussi à la manière dont ils souhaitent apprendre. Il revient à l'équipe dirigeante d'impulser ce mouvement. Les managers jouent le rôle de relais en transmettant cette dynamique auprès des équipes. Les cadres ont également pour mission de reconnaître et valoriser le potentiel de leurs collaborateurs, tout en les accompagnant dans l'appropriation de leur montée en compétences.
Soulignons que la formation a un impact direct sur la gestion du changement. Apprendre en continu, c'est rester à jour dans ses savoir-faire et ses connaissances pour s'adapter aux évolutions du marché et du secteur d'activités. C'est, aussi, mieux intégrer les transformations des modes de travail et des métiers. In fine, en devenant une organisation apprenante, l'entreprise se montre plus agile et réactive. Ses collaborateurs, eux, gagnent en confiance et leur bien-être s'accroît.
Dans ces conditions, les salariés peuvent envisager plus sereinement un avenir à long terme au sein de l'organisation. Et cet état d'esprit a des effets positifs sur l'entreprise. L'efficacité et l'engagement des employés s'améliorent, alors que le taux de rétention s'accroît.
Améliorer la culture d'entreprise : les pistes à explorer
Comment rendre sa culture d'entreprise meilleure ? Voici trois axes d'amélioration à retenir.
Rétablir la confiance entre collaborateurs, managers et dirigeants
Créer un lien solide entre les différents niveaux hiérarchiques : un défi qui semble compliqué à relever. Or, sans solidarité et compréhension mutuelle, il s'avère bien difficile de diffuser une culture d'entreprise positive.
L'enquête “Hopes and Fears 2024”, réalisée par le cabinet de conseil PwC, montre ainsi une certaine défiance des salariés vis à vis de leurs supérieurs, particulièrement en France :
- 36 % des répondants dans l'Hexagone ne comprennent pas les décisions prises par le management pour atteindre les objectifs stratégiques.
- 40 % estiment que les dirigeants ne possèdent pas les compétences pour conduire le changement.
- Pour 41 % des répondants, la communication des dirigeants n'est pas claire.
- 44 % ne sont pas convaincus que les dirigeants respectent leurs engagements.
- 45 % pensent que les dirigeants ne traitent pas les salariés de manière équitable.
- 48 % estiment que les dirigeants ne se soucient pas du bien-être des salariés.
- Enfin, 49 % jugent que les dirigeants n'écoutent pas et/ou n'apprécient pas les points de vue des salariés.
En un mot, aux yeux de près de la moitié des employés, les décideurs ne s'intéressent pas vraiment à eux et seraient tout juste crédibles dans leur fonction.
Ce manque d'alignement entre l'action des dirigeants et les perceptions des salariés se retrouve dans le champ de la formation professionnelle. Ainsi, la majorité des salariés non-managers (53 %) répondent "non" à la question : "Mon employeur me propose des opportunités de développement utiles dans mon parcours".
Comment faire pour (re)trouver cette confiance manquante ? Une fois de plus, on touche aux différentes dimensions de la culture d'entreprise. Dirigeants et managers doivent travailler sur les valeurs qu'ils diffusent et les appuyer par des actes. Il leur faut clarifier leur discours, améliorer leur communication et leur compréhension de l'autre. Pour cela, une plus grande proximité avec les collaborateurs, des prises de décision plus collégiales ainsi qu'une meilleure reconnaissance de leur travail s'avèrent nécessaires.
Unifier sa culture autour de valeurs universelles
La culture d'entreprise a pour objet de réunir un ensemble d'individus, que rien ne prédestinait à travailler ensemble, dans une communauté de valeurs. Ces valeurs servent de ciment ; ce sont elles qui établissent le lien entre les collaborateurs et leur donnent envie d'œuvrer à la fois individuellement et collectivement au service de l'entreprise. Le challenge est particulièrement difficile à relever pour les entreprises qui se développent à l'international. Elles ont en effet pour tâche de rassembler dans une philosophie commune des salariés aux racines culturelles, aux modes de vie et aux représentations différents.
Prendre comme point de départ la théorie des valeurs universelles de Schwartz constitue une bonne pratique. Ce chercheur en psychologie sociale identifie dix valeurs de base que l'on retrouve dans toutes les cultures :
- Autonomie : indépendance de pensée et d'action.
- Stimulation: recherche de la nouveauté.
- Hédonisme: recherche du plaisir.
- Réussite : valorisation des succès personnels.
- Pouvoir : désir d'un statut social plus élevé et d'un contrôle sur les autres.
- Sécurité : recherche de la stabilité et de l'harmonie, au niveau personnel et social.
- Conformité : maîtrise de ses actions pour respecter les normes sociales.
- Tradition: respect des coutumes et des croyances.
- Bienveillance : préservation du bien-être des proches.
- Universalisme : compréhension, tolérance et protection du bien-être de tous les êtres humains et de la nature.
S'agissant de valeurs communes à tous les êtres humains, elles ont tout intérêt à être prises en considération pour améliorer la culture d'entreprise.
Intégrer la diversité et les différences culturelles à sa philosophie
S'attacher aux valeurs universelles ne signifie pas gommer les particularités. Une culture d'entreprise solide, notamment à l'international, nécessite bien évidemment une adaptation aux réalités locales. En outre, la diversité et l’inclusion font partie intégrante d’une philosophie épanouissante et respectueuse de tous.
Sur ce sujet, voyons les données du rapport “Diversity wins: How inclusion matters”, réalisé par McKinsey & Company et portant sur 15 pays. Il apparaît que les entreprises situées dans le premier quartile en matière de diversité de genre au sein des équipes dirigeantes ont 25 % plus de chances de présenter une rentabilité supérieure à la moyenne que les entreprises du quatrième quartile. En outre, les entreprises appartenant au premier quartile concernant la diversité ethnique et culturelle dépassent les organisations du quatrième quartile de 36 % en matière de rentabilité.
Sources :
Mission & Culture Survey 2019, réalisé par Glassdoor.
4e baromètre "Ce que veulent les candidats", réalisé par Robert Half.
2025 Global Culture Report, réalisé par l'O.C. Tanner Institute.
Enquête Hopes & Fears 2024, réalisée par PwC.
An Overview of the Schwart Theory of Basic Values, article de l'International Association for Cross-Cultural Psychology, 2012.
Diversity wins: How inclusion matters, rapport de McKinsey & Company, 2020.