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Learning Fatigue : outils et stratégies pour maintenir l’engagement de vos apprenants
Les entreprises ont à cœur de proposer des programmes de formation toujours plus exhaustifs et stimulants pour leurs collaborateurs. Leur objectif : favoriser une montée en compétences rapide. En parallèle, l'essor du digital a ouvert le champ des possibles en termes de méthodologies et d'accessibilité. En un mot, développer l'expertise de ses salariés n'a jamais été aussi facile. L'écueil : passer à côté d'une potentielle surcharge mentale, voire d'un épuisement des apprenants, ce qu'on appelle la "learning fatigue".
Les formateurs, équipes RH et managers doivent être en capacité de déceler les signes d'une fatigue d'apprentissage chez les collaborateurs. À eux également d'anticiper et d'adopter dès à présent les bonnes mesures pour éviter lassitude et désengagement. Les conséquences de la learning fatigue sont potentiellement très sérieuses : baisse d'efficacité des formations, développement des compétences retardé, coûts de la formation en hausse et ROI en perte de vitesse, voire négatif.
Voici toutes les clés pour bien comprendre la learning fatigue et lutter efficacement contre ce phénomène.
Bien cerner la notion de "learning fatigue"
Qu'est-ce que la learning fatigue, ou fatigue de l'apprenant ?
La learning fatigue résulte d'un sentiment de surcharge mentale face au volume de connaissances à comprendre et à mémoriser. Elle naît donc d'une exposition prolongée ou intensive à des activités de formation. La fatigue de l’apprenant se caractérise par une saturation, un état d'épuisement cognitif et émotionnel.
Ce phénomène se manifeste dans différents contextes, bien qu'il semble de plus en plus corrélé à la transition de l'apprentissage vers le numérique. Dans ce cadre, on peut parler de digital learning fatigue.
Faire le lien entre learning fatigue et fatigue cognitive
La learning fatigue est à rapprocher du concept de fatigue cognitive. Celle-ci correspond, selon les enseignants-chercheurs Benjamin Pageaux et Romuald Lepers à "un état psychobiologique causé par une activité cognitive prolongée. Cela peut être caractérisé par une augmentation de la sensation d’affaiblissement ou même d’épuisement, d’une réticence à continuer la tâche en cours et par une réduction des performances cognitives".
En clair : la fatigue cognitive apparaît lorsque l'individu effectue une tâche longue ; elle se traduit par une baisse d'énergie, la difficulté à maintenir un effort mental, voire un état de somnolence.
Ajoutons qu'au cours d'une activité monotone ou répétitive, la fatigue mentale s'accroît. Intervient ici la notion d'ennui. S'ennuyer, c'est faire preuve d'une lassitude qui conduit à se désengager. L'ennui est donc directement associé à une baisse de performance.
Comprendre les mécanismes de la fatigue cognitive
Plusieurs théories cherchent à expliquer les mécanismes de la fatigue cognitive.
Pour certains chercheurs, la fatigue mentale serait due à un déclin des ressources de l'organisme, conduisant celui-ci à fonctionner en deçà de ses possibilités réelles. Pour d'autres spécialistes, la fatigue cognitive serait liée à une baisse d'efficacité des connexions neuronales responsables du déclenchement de l'effort. On note une similitude dans ces approches : plus la tâche à effectuer est longue et complexe, plus notre système de ressources interne s'épuise.
Un deuxième modèle fait intervenir la démotivation, la répétition de l'effort et un ajustement des priorités comme facteurs principaux de la fatigue cognitive. Concrètement, l'individu est moins motivé après avoir réalisé un premier travail ; il aura alors tendance à réorienter son activité : il délaissera les tâches exigeantes au profit d'activités plus gratifiantes à court terme.
Comme l'indiquent les chercheurs Thomas Mangin, Michel Audiffren et Nathalie André, il est tout à fait possible d'établir un lien entre les deux types de théories. "En fait, on pourrait très bien concevoir que les deux mécanismes soient concomitants : la baisse de la capacité à déployer un effort s’accompagne d’une baisse de la motivation à produire ce même effort", concluent-ils.
Comment détecter la learning fatigue chez vos apprenants ?
Les signes de la learning fatigue sont visibles à plusieurs niveaux. Les formateurs et les managers, au plus près des apprenants, sont les premiers à pouvoir détecter les manifestations émotionnelles et physiques d'une fatigue liée à l'apprentissage. On retrouve notamment les symptômes suivants :
- Irritabilité.
- Manque d'enthousiasme, voire désintérêt pour les activités d’apprentissage.
- Difficultés d'attention, de concentration et de mémorisation.
- Productivité réduite : tâches effectuées plus lentement et travail de moindre qualité.
Cette détérioration de la motivation et de l'engagement apprenant est visible sur les indicateurs clés en lien avec la formation. Un suivi régulier de la data remontée par la plateforme de formation est donc nécessaire. Des résultats qui n’atteignent pas les objectifs, un temps de formation particulièrement long, un taux d'abandon qui augmente : autant de signaux indiquant une lassitude et une baisse d'énergie des apprenants.
Au-delà de leur devoir de vigilance, managers et formateurs veilleront à adopter une posture tournée vers l'écoute et la communication. Un collaborateur épuisé ira naturellement exposer ses difficultés à un entourage professionnel accessible et bienveillant.
Quelles sont les causes de la learning fatigue ?
Des contenus et des méthodes pédagogiques non adaptés
Première cause de la learning fatigue, la formation elle-même, dans ses deux dimensions principales : le contenu des cours, et la ou les modalités pédagogiques employées. Concernant le contenu, il existe plusieurs problèmes potentiels :
- Un manque de résonance entre les connaissances dispensées et le besoin réel de l'apprenant.
- Une difficulté à visualiser l’application directe des savoirs dans son poste de travail.
- Des supports de cours mal conçus : sans relief, ennuyeux, peu clairs, trop généralistes ou trop pointus...
Dans ces trois situations, le manque de pertinence, la sensation de perte de temps font émerger un sentiment de lassitude, qui lui-même engendre une baisse d'énergie puis, éventuellement, un décrochage. En d'autres termes, c'est la motivation du collaborateur, ou plutôt la démotivation, qui joue un rôle central ici. Quant aux méthodes pédagogiques, elles constituent des sources de fatigue dans les cas suivants :
- L'apprenant est forcé de rester dans une posture passive. Regarder des modules vidéos d'une heure sans n'avoir aucune action à réaliser, écouter un exposé sans fin du formateur : voilà qui contribue peu au dynamisme du participant...
- Le parcours de formation manque de variété, reste "plat" dans sa forme. Manquent par exemple des travaux de groupe, en présentiel ou en ligne, des mises en situation, un brainstorming, etc.
Une digitalisation de la formation peu encadrée (digital / online learning fatigue)
Un apprenant seul derrière son ordinateur ou son smartphone s'expose à plusieurs risques de fatigue :
- Un temps d’écran excessif, source de fatigue oculaire, voire de maux de tête, et d'une "baisse de régime" globale.
- L'isolement social. L'absence de stimuli externes peut engendrer une certaine lassitude, un repli sur soi et une démotivation.
- Le manque d'activité physique, qui renforce la passivité et fait naître un sentiment de stagnation.
- Les interruptions fréquentes dues à l'environnement familial concourent à l'épuisement mental et nuisent à la concentration.
Un excès de contraintes
Mentionnons enfin, parmi les causes principales de la fatigue cognitive de l’apprenant, les contraintes trop nombreuses imposées par l'entreprise. Le collaborateur n'a d'autre choix que de concilier la formation avec ses obligations professionnelles. Or, plusieurs éléments l'empêchent parfois de bien associer les deux. Il peut s'agir d'une pression trop forte exercée par le manager. Autre problème : la rigidité des sessions en présentiel, avec ses jours et horaires imposés, qui peuvent surcharger l’emploi du temps. Voyons maintenant une série de causes plus diffuses, sous-jacentes, mais tout aussi importantes.
Les 7 facteurs prédictifs de la learning fatigue
L'universitaire Ufuk Tuğtekin (Université de Mersin, Turquie) a développé l'Online Learning Fatigue (OLF) Scale, destinée à évaluer les niveaux de fatigue chez les apprenants dans des environnements d'apprentissage en ligne et en mode hybride. Cette échelle est composée de 7 marches ; chacune d'entre elles représente un facteur impliqué dans la fatigue d'apprentissage.
- Ambiguïté de l’information (Information Equivocality) : l’ambiguïté ou le manque de clarté des informations présentées aux apprenants.
- Surcharge informationnelle (Information Overload) : la quantité excessive d'informations que les apprenants doivent traiter.
- Complexité du système (System Complexity) : la complexité du système de gestion de l'apprentissage et de ses fonctionnalités.
- Rythme de changement du système (System Pace of Change) : la fréquence et la rapidité des mises à jour ou des modifications de la plateforme de formation.
- Surcharge des fonctionnalités du système (System Feature Overload) : le trop grand nombre de fonctionnalités de la plateforme.
- Surcharge communicationnelle (Communication Overload) : le volume excessif de communications (emails, notifications, rappels...) reçues par les apprenants.
- Fatigue liée au LMS (LMS Fatigue) : L'épuisement global résultant d'une interaction prolongée avec le LMS.
Le chercheur pointe ainsi deux responsables principaux dans l'émergence d'une fatigue en lien avec l'apprentissage :
- Une communication inadaptée (excès d'informations et de sollicitations, messages parfois de mauvaise qualité).
- Les plateformes de formation trop complexes et instables.
Après ces différents constats, une conclusion s'impose : l'entreprise a un rôle immense à jouer dans la prévention et le contrôle de la learning fatigue, que ce soit sur le plan humain, pédagogique et technologique.
Comment l’entreprise peut prévenir et lutter contre la learning fatigue ?
Revoir l'approche des formations
Comment maintenir l'engagement, la concentration des apprenants à un niveau optimal tout au long de leurs sessions ? En leur proposant des formations interactives, des programmes rythmés, intégrant une pluralité de méthodes pédagogiques et d'activités pour éviter la monotonie. L'idée : rendre l'apprenant pleinement acteur de sa formation, le faire sortir de sa passivité.
Il convient également d'orienter les cours vers un objectif clair et concret, correspondant exactement à ce que l'apprenant recherche. Il doit savoir où il va et se dire : "Après la formation, je serai enfin capable de réaliser telle et telle chose dans mon travail."
Optimiser l'apport du digital
Miser sur le blended learning
Les atouts de la formation digitale n'échappent plus à personne. Cela dit, nous l'avons vu, elle est aussi potentiellement source de fatigue cognitive et de désengagement. Dans ce cadre, le blended learning tire son épingle du jeu. Il combine le meilleur des deux mondes, présentiel et distanciel. La diversification des formats est gage de dynamisme et mobilise l'apprenant à chaque étape de son parcours. De plus, les sessions en ligne lui permettent d'apprendre à son propre rythme ; il évite ainsi une surcharge mentale. Par ailleurs, dans une formule mixte, le lien social est préservé.
Séverine Lambert (Biologique Recherche) témoigne de l'apport du digital pour ses collaborateurs : “On utilise le digital comme un vrai trait d’union et comme une partie prenante à notre processus de transmission et de formation de nos apprenants. Chaque module se termine par un quiz qui va valider les connaissances en préservant un côté friendly. Ça rentre dans une logique de gamification et ça nous permet de nous assurer du niveau de connaissance de nos apprenants."
Rendre l'apprentissage ludique
Intégrer la gamification à ses dispositifs constitue en effet une mesure à prendre pour prévenir la learning fatigue. Des badges à gagner, des challenges et mini-jeux transforment l’apprentissage en une expérience attrayante et dynamique. S. Lambert le souligne : "On sait qu’en digital, pour pouvoir stimuler, il est nécessaire de jouer". Un principe que Biologique Recherche applique avec le LMS Rise Up. "On a implanté la gamification avec Rise Up de manière à stimuler la volonté d’apprentissage et la réalisation de l’intégralité de nos modules en un laps de temps fixé", explique S. Lambert.
Stimuler la motivation
Nous avons vu l'importance de la motivation dans le processus de fatigue cognitive. Il est dès lors nécessaire d'évoquer la théorie de l’autodétermination (Self-Determination Theory, SDT) initiée par Edward Deci et Richard Ryan, l'une des plus influentes dans le domaine de la psychologie de la motivation. Selon celle-ci, les individus sont motivés de manière intrinsèque lorsqu’ils ressentent que leurs besoins psychologiques fondamentaux sont satisfaits.
Premier besoin : l'autonomie
Les apprenants ont besoin de se sentir responsables et maîtres de leurs choix dans leur processus d’apprentissage. Quelles mesures l'entreprise peut-elle prendre ? Voici quelques pistes :
- Encourager les apprenants à fixer leurs propres objectifs et à organiser leur emploi du temps.
- Réduire les instructions trop rigides pour favoriser un sentiment de contrôle.
- Laisser la liberté aux apprenants de choisir les cours.
- Promouvoir l'apprentissage informel.
Dans cette optique, Rise Up a travaillé avec son partenaire Edflex pour développer son offre de formations sur étagère. Les collaborateurs ont accès en continu à une bibliothèque de contenus à jour, de haute qualité. Plus de 40 000 ressources sont à leur disposition, et ce, en 7 langues.
L’accès à un catalogue de formations sur étagère riche et varié, directement sur le LMS, répond non seulement à une demande d'autonomie mais aussi à un manque de moyens donnés aux apprenants pour qu'ils trouvent les contenus correspondant à leurs attentes. Leur réflexe est alors de faire des recherches chronophages (donc fatigantes) directement sur le Web. Avec la solution Rise Up et Edflex, ils restent dans leur environnement d’apprentissage et trouvent facilement les contenus sur étagère les plus pertinents au regard de leurs objectifs.
Deuxième besoin : l'appartenance
Les apprenants ont besoin de se sentir connectés aux autres, soutenus et acceptés dans leur environnement. Un sentiment d’appartenance les motive à s’investir davantage. Il est donc pertinent de :
- Favoriser des activités collaboratives.
- Réaliser des feedbacks constructifs et encourager le partage d’idées.
- Accentuer l'accompagnement et le suivi de chaque apprenant.
- Développer le social learning (apprentissage entre pairs).
Troisième besoin : la compétence
Les apprenants doivent se sentir capables de progresser et de relever les défis proposés. Pour cela, il leur faut percevoir le lien entre effort et réussite. Voici quelques bonnes pratiques :
- Proposer des tâches adaptées au niveau des apprenants.
- Augmenter progressivement la difficulté des exercices.
- Reconnaître et valoriser leur progrès.
S'appuyer sur un LMS flexible
Un LMS mal conçu ou mal maîtrisé contribue au phénomène de learning fatigue, nous l'avons vu. À l'inverse, un LMS flexible et pensé pour les apprenants contribuera grandement à vaincre la learning fatigue.
Premier point : avec un LMS, les entreprises créent des parcours d'apprentissage sur mesure, adaptés au niveau, aux besoins et aux objectifs des collaborateurs.
Deuxième point : l'apprenant a la possibilité de choisir lui-même les modalités et les thématiques. Une solution telle que Rise Up associe en outre formation et intelligence artificielle. À la clé : une recherche de contenus intuitive et ultrarapide. Pas de perte de temps, pas de surcharge informationnelle !
Troisième point : une plateforme performante intègre les méthodes pédagogiques les plus à même de prévenir la fatigue cognitive (blended learning, gamification, social learning). En outre, les concepteurs de formation créent directement sur le LMS des modules e-learning rythmés et captivants, garants d'une attention constante du début à la fin de la session de formation.
Pour terminer, adoptons une vision plus globale et donnons un dernier conseil. Les dirigeants, professionnels de la formation et managers doivent intégrer la notion de learning fatigue dans leur culture d'apprentissage afin de préserver la motivation et l'engagement de leurs collaborateurs.
Sources :
"Factors influencing online learning fatigue among blended learners in higher education", Journal of Educational Technology and Online Learning (JETOL), 2023
"The effects of mental fatigue on sport-related performance", Benjamin Pageaux et Romuald Lepers, Sport and the Brain: The Science of Preparing, Enduring and Winning, Elsevier, 2018
"Réflexions théoriques et méthodologiques autour du concept de fatigue cognitive", Thomas Mangin, Michel Audiffren, Nathalie André, Movement & Sport Sciences - Science & Motricité, 2023